Quelques emplettes ... [Libre]

Sara avait décidé un peu de s'aventurer dans la ville. Elle n'était pas sortie de chez elle depuis 48h, récupérant du voyage d'une vingtaine d'heures. Dur d'avoir un nouveau rythme, un nouvel environnement et un nouveau climat. Le jour de son arrivée, ses quelques meubles étaient déjà là et sa Vespa aussi. Une moto dans un appartement, on aura tout vu mais Sara ne s'en était aperçue qu'après quelques longues heures de sommeil sur son canapé dont elle avait eu tout juste de la force d'enlever le plastique avant de s'affaler dessus.

La première journée dans son nouveau pays, Sara avait un peu somnolé en début de journée puis avait commencé à ranger son appartement. Elle ferait des travaux plus tard, elle n’avait ni l’envie ni le temps d’en faire. De plus, elle était nulle en travaux manuels alors elle ne préférait pas s’aventurer là dedans. Elle avait descendu sa moto dans le parking, là où elle était plus à sa place. Le soir, elle s’était écroulée comme une masse encore dans le canapé.

En ce matin ensoleillé, Sara avait le sourire. Enfin une nouvelle vie qui commençait. Vite une douche et l’ouverture des valises pour choisir ses vêtements. Même si elle pouvait être fantaisiste, la romaine préféra le classique : une chemise blanche, un jean délavé et des baskets de même couleur que sa chemise. Elle partit donc le ventre vide, s’acheta un petit truc à la boulangerie du coin histoire de manger quelque chose, enfourcha sa Vespa et partit à la recherche d’un supermarché où elle pourrait acheter quelques trucs pour survivre chez elle. Sara roula un petit temps avant enfin d’en trouver un. Sa moto pouvant peu contenir, il fallait prendre le minimum, quitte à revenir.

Un petit panier à la main, elle errait dans les rayons, un sourire enfantin sur les lèvres. Qu’est ce que pouvait être le minimum pour survivre ? Des pâtes évidemment. Elle se rendit donc au rayon féculent, regardant les pâtes avec attention car elle ne les choisissait pas au hasard. Italienne jusqu’au bout ...

' Elle court, elle a beau essayer de se rattraper à ce qui l’entoure, elle ne cesse de tomber à terre dans des tonnes et des tonnes de cartons. Ses cris ne sont que des échos résonnant en vain tandis que la jeune femme tente de se relever en s’appuyant contre des murs. Des parois qui semblent s’affaisser à leur tour. Titubant, elle se remet à marcher puis à courir mais elle est sans cesse arrêtée par tous ses papiers qui lui agrippent ses vêtements. Au loin elle perçoit une petite porte, si minuscule qu’elle n’est même pas sûre de pouvoir passer à travers. Ses jambes sont maculées d’encre et elle se décide à ramper, écrasant des babioles et provoquant des crissements douloureux dans cette salle. Une pièce qu’elle reconnaît dans les moindres détails. Les murs à moitié tapissés mais déformé par le vertige qui prend en tenaille la jeune femme. L’atmosphère est lourde, elle se sent épiée et elle voit en cette ouverture lointaine le moyen d’échapper à tout. Elle sent des gouttes perler sur son visage et d’un geste de la main constate que c’est à nouveau de l’encre, une couleur ébène qui parait emplir les lieux. va-t-elle mourir noyée ? Sa respiration s’accélère, elle ne peut ni penser, ni réfléchir. Ses entrailles se resserre, une mains glaciale se referme sur elle et là.. '
Kristen se réveilla en sursaut, sa main encore crispée par son cauchemar tenait encore un stylo de la veille qui était tacheté d’encre. La jeune femme releva la tête, fixant le miroir face à elle, accroché au mur par un vulgaire clou rouillé.

*stupide rêve*

Songea-t-elle en découvrant sur sa joue une tache du liquide noir. Comme quoi, chaque rêve pouvait avoir une part de vérité, aussi étonnante soit-elle. Kris soupira l’air blasé. Elle portait encore sa blouse blanche de travail qui à son tour avait subit le châtiment du stylo maudit. Depuis son arrivée, elle n’avait pas été particulièrement chanceuse: sa voiture venait à peine de la lâcher, son appartement était toujours aussi pitoyable et si son boulot lui plaisait, elle avait malgré tout des horaires contraignant puisque cela faisait une semaine qu’elle travaillait de nuit. Après avoir frotté ses yeux, Kris se leva enfin, manquant de trébucher par son réveil encore brutal. Quelle heure pouvait il être ? Son regard se perdit sur une petite horloge dont le cadran était fendu mais tout de même utilisable.

« 12h 13.. »

Elle n’avait donc dormi que 5h et les cernes tracées sous ses yeux trahissaient sa fatigue. L’air de rien, elle enleva sa blouse et partit dans sa salle de bain pour se préparer. Rien de mieux qu’un bon petit bain pour repartir de bonne humeur. En sortant, elle eut la joie de poser sa main contre un des murs à moitié tapissé. Un bout de tapisserie se colla à sa main, et après avoir râlé, Kristen l’enleva et le laissa sombrer par terre

*il faut vraiment que je fasse quelque chose pour cet appart’ "

Non seulement il hantait ses rêves, mais en plus il devenait peu confortable. Le problème résidait dans ses horaires, la journée elle préférait dormir plutôt que de s’occuper du rangement, la preuve état que sa fatigue l’avait fait s’endormir sur son bureau.
Un autre soupir brisa le silence de la pièce, puis elle s’approcha de sa cuisine. Un bon petit café allait la remettre sur pied. Son visage se décomposa à nouveau quand elle découvrit qu’elle n’en avait plus. Cette fois elle commençait à toucher le fond. Prenant son sac à la volée, elle partit de son appartement. Elle sortit de la poche de son pantalon en lin, celui qui était depuis quelques jours son meilleur ami : le prospectus avec les horaires de car !

Une bonne demi heure plus tard, après que le soleil avait atteint son solstice, preuve qu’il était pratiquement 14h, Kristen descendit du bus pour se diriger au centre commerciale. Il y avait pas mal de monde, à croire que tous s’était donné rendez-vous. A droite et à gauche des groupes papotaient et elle pensa un instant que contrairement à eux, elle ne connaissait personne ou presque. La jeune femme prit un panier en plastique à l’entrée puis traversa les rayons. Le tumulte de tous les gens la décompressait, au moins cette ville était vivante et c’était un point des plus positif. S’engageant dans le rayon des féculents, un petit gamin lui rentra dedans, sans doute pressé de montrer ces trouvailles à ses parents. Après lui avoir fait un sourire gêné, il décampa à vive allure.

*c’est encore mignon à cet âge là *

Songea Kristen en esquissant un sourire. Aveuglée par ses pensées, elle continua d’avancer sans faire attention aux personnes qui l’entouraient. Elle prit un paquet de pâtes à la volée. Loin d’être un cordon bleu, elle choisissait toujours ave une facilité déconcertante, elle se satisfaisait souvent de peu, tant au niveau des repas que de la vie en général. Alors qu’elle sortait du rayon, Kristen bouscula de plein fouet une jeune inconnue.

« excusez-moi »

Déclara-t-elle rapidement en se baissant pour ramasser son paquet de tagliatelle qu’elle venait de faire tomber. Elle se releva devant Sara et ses lèvres se fendirent en un sourire gêné. Elle comprenait à présent ce qu'avait ressentit le petit garçon quelques instants plus tôt

Partout dans le monde, les supermarchés étaient les mêmes : les mamies qui se racontent des ragots, des couples qui font leurs courses en tandem, des mamans grondant des enfants, ces mêmes enfants qui courent partout et qui manquent chaque fois de rentrer dans quelqu'un. Celui là n'était pas une exception et Sara s'amusait à regarder machinalement les alentours. Tout ce qui changeait était la langue parlée mais cela, elle pouvait rapidement s'habituer.

Dans son rayon des pâtes, il y avait toujours un peu de monde. Tout le monde mangeait des féculents, même le pire des cordons bleu savaient les cuisiner. Et Sara prit plaisir à se souvenir de Fransesco, son ex, qui faisait du riz collant et dont la seule chose qu'il savait réellement faire, c'était des pâtes au beurre. Tout en souriant, perdue dans ses pensées, Sara saisit son paquet de spaghettis avant de se faire percuter. Surprise l'espace d'un instant, elle se tourna vers la personne qui venait de s'excuser. Il s'agissait d'une femme, jeune en apparence, et jolie. Elle mit ses pâtes dans son panier et fit signe de la main que ce n'était rien, un petit sourire gênée aussi sur les lèvres.

Ne vous excusez pas, ça arrive à tout le monde !

La jeune italienne se détendit rapidemment, elle avait du caractère mais n'en voulait aucunement à celle qui l'avait percuté. Combien de fois cela lui arrivait il ? Trop de fois sûrement pour être compter.
Elle regarda les pâtes qu'avait pris la jeune femme et ne put s'empêcher une grimace.

Si j'étais vous, je ne prendrais pas celles ci, à moins que vous préfereriez de la colle à la place des pâtes !

Et comme toujours, elle parlait trop. Son côté un peu impulsif qui remontait. La romaine aimait donner son avis, encore plus quand on ne l'avait pas invité à le faire. Elle se mordit la lèvre inférieure puis l'instant d'après se mit à rire, décidemment elle aimait se rendre ridicule.

Désolée, je n'ai pas à vous juger mais c'est toujours plus fort que moi.

De ses yeux cafés, Sara dévisagea son interlocutrice, ésperant que celle ci ne le prenne pas trop mal. Les gens étaient si bizarres parfois qu'on ne sait jamais comment se comporter avec eux ...

Soulagée par la réponse de la jeune inconnue, Kristen soupira de façon presque inaudible. En temps normal elle s’apprêtait à sortir ses boules quies, seule invention susceptible de lui permettre d’être sourde dès l’instant où les cris d’autrui résonnaient. Comme quoi, elle pouvait voir ici une différence avec tout ce qu’elle avait vécu précédemment. Certes il ne faut pas faire de généralité, par là même Kristen ne déclarera jamais ouvertement que les personnes nordiques sont plus rustres, mais l’endroit où elle vivait avant, lui avait apprit à se méfier et surtout à se faire la plus petite et discrète possible. Preuve que les temps changeaient, que les habitudes aussi étaient différentes du passé.
Kristen toisa la jeune femme qui se trouvait face à elle. Particulièrement jolie, Kris pu facilement constater qu’elle aussi ne devait pas être de New-Anza, la charmante petite ville d’Australie. Elle lui sourit à nouveau, en effet cela arrivait à tout le monde, il suffisait de revenir quelques secondes en arrière pour revoir le petit garçon la percuter. Le regard de la jeune femme se posa ensuite sur son paquet de pâtes et quelques mots franchirent ses lèvres sans qu’elle s’en aperçoive

« ah bon ? »

Sceptique, elle continuait d’observer les pauvres tagliatelles comme si elle attendait que l’une d’elle lui cri que son vrai nom n’était autre que tagliaglue (pas facile à prononcer je l‘admet XD). Mais non, elle s’en doutait même le paquet n’avait pas affiché en titre: les pâtes collantes.. Ce qui en soi était un peu logique si la marque souhaitait garder quelques fidèles clients. Après quelques instants de contemplation, elle releva la tête vers la jeune femme. Et voilà qu’on venait de lui mettre le doute ! Elle qui choisissait à la va vite voyait devant elle deux choix se poser: soit elle reposait les pâtes et écoutait la jeune inconnue, soit, elle faisait sa tête de mule et partait comme si de rien était. Ses yeux observait simultanément le paquet de pâte et la jeune femme, il était évident que Kristen était très indécise. Finalement elle soupira, Sara semblait être une grande connaisseuse et préférant les pâtes à la glue, elle reposa le paquet

« non ne vous inquiétez pas, vous jugez plus les pâtes que moi ! »

Elle sourit amusée en voyant que la jeune femme regrettait de l’avoir conseillé. Pourtant ce n’était pas une mauvaise chose, bien au contraire ! Kristen recula d’un pas, devant elle s’étendait la montagne de pâtes. Le rayon sans nul doute adulé par tous les italiens et aussi par tout les impuissants et ratés de la cuisine. Kris constata malgré tout que la majorité des gens ne faisait pas attention à leurs achats. Certains faisaient exactement comme elle puisqu’ils prenaient à la volée un paquet au hasard. D’autres ne se foulaient pas trop non plus puisqu’ils prenaient carrément 5 ou 6 paquet d’une même marque juste pour dire d’avoir un peu de tout. Kristen passa sa main sur sa joue, l’air dépité et se tourna vers Sara en retrouvant le sourire

« alors peut-être que vous pourriez me conseiller ? »

Se risqua-t-elle de demander alors que le tumulte des passants ne cessaient d’augmenter. Une main sur sa hanche et l’autre tenant un panier désespérément vide, Kristen songea que si elle en choisissait un nouveau, elle retomberait inévitablement sur de la glue de pâtes.. . Non seulement elle n'était pas une pro de la cuisine, mais si en plus elle choisissait mal ses ingrédients.. eh bien voilà! dès a présent elle venait de trouver une bonne excuse pour la prochaine réunion de famille , quoi que, pas sûr que ça allait marcher

Les pâtes, une grande histoire d'amour pour Sara. C'est une des spécialités de son pays et elle se sentait malheureuse si elle n'en consommait pas au moins une fois par semaine. On ne perd pas ses habitudes, au contraire elles se renforcent quand on est loin de tout. La preuve puisque c'était le premier aliment qu'elle saisissait dans ce supermarché, et sûrement son premier réel repas à New-Anza.

La jeune fille en face d'elle n'eut pas l'air fâchée que Sara la mette en garde. Heureusement, passer pour la dernière des idiotes n'était pas sa priorité du moment et puis elle ne pouvait pas trop se contrôler de parler. Elle en avait tellement l'habitude, à force on croit même être le propriétaire des lieux où l'on va.
Elle ne put réprimer un petit sourire quand son interlocutrice lui demanda conseil. L'italienne n'était pas un réel cordon bleu mais niveau pâtes elle était imbattable. Elle en avait tellement mangé lors des années de faculté et les premiers mois de boulot, sans oublier sa mamma qui lui montrait toujours une nouvelle recette.

Vous demandez conseil à une experte là !

Son sourire s'était agrandi, laissant même apparaître une legère fossette. Elle se tourna vers le rayon, se hissa sur la pointe des pieds pour saisir des tagliatelles de la même marque que les spaghettis du panier de Sara. Une marque italienne bien entendu, qui peut en faire des meilleurs ?
Elle les lui tendit, regardant la hauteur du rayon avant de regarder la jeune femme en face d'elle.

Voila. Pas facile d'être petite dans un monde de géants mais avec ça vous ne pourrez pas rater vos pâtes ... oh la la je parle comme si je faisais de la pub pour cette marque.

Elle se mit à rire nerveusement. Combien de fois faudra t'elle qu'elle pense à tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de dire n'importe quoi ? Encore longtemps apparemment. Elle se reprit rapidemment, toujours ces doutes de paraître pour une débile profonde. Elle passa sa main sur sa nuque, un sourire gêné au coin de la bouche.

Je suis désolée, je parle toujours trop ! En temps normal déjà, mais avec ce foutu décalage horaire c'est pire que tout ... Et voila que je recommence, vous devez avoir sincèrement autre chose à faire que de m'écouter.

Une légère grimace de gêne apparut à la fin de sa phrase et en secouant la tête, Sara baissa les yeux vers le sol, fixant quelques instant ses baskets. Heureusement qu'elle n'était pas euphorique, sinon elle aurait pu déblaterer sa vie dans le rayon féculents avec tous ces passants et leurs caddies qui passent et repassent sans cesse.

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